Lorsqu’un enfant est retiré de sa famille, l’aide sociale à l’enfance dispose de plusieurs solutions d’accueil, parmi lesquelles le placement dans une famille d’accueil. Cette solution d’accueil, qui a fait l’objet d’une évolution légale visant la professionnalisation des « assistants familiaux », est sujette à une crise qui touche l’ensemble des Départements.
Une forte évolution récente des profils d’assistants familiaux
Les Départements, pilotes de la politique de protection de l’enfance, peinent actuellement à maintenir leur capacité d’accueil chez les assistants familiaux, dans un contexte de vieillissement de la population des assistants familiaux[1] et de crise de la vocation.
Plutôt qu’un accroissement du nombre de candidat.e.s au métier d’assistant familial, la hausse du taux d’activité des femmes a eu pour conséquence un report de l’âge moyen de la première grossesse, et a conduit soit à une orientation plus tardive vers ce métier – après que les enfants ont quitté le domicile familial – soit à des restrictions sur le projet d’accueil (en termes de nombre d’enfants accueillis comme en termes d’âge et/ou de problématiques rencontrées par ces derniers). Le métier d’assistant familial se trouve donc plus fréquemment envisagé dans le cadre d’une reconversion professionnelle que ce n’était le cas auparavant. Ce dernier point s’inscrit par ailleurs dans une évolution substantielle des trajectoires professionnelles des individus[2].
Ces évolutions sociétales contribuent à un raccourcissement de la durée d’exercice du métier d’assistant familial, encore renforcé par la complexité croissante des situations des mineurs accueillis au titre de la protection de l’enfance (voir plus bas).
De plus, malgré sa professionnalisation progressive en application de la loi du 27 juin 2005[3], le métier d’assistant familial est aujourd’hui moins attractif. Ce phénomène contribue à la diminution du nombre de candidat.e.s en parallèle d’une hausse des candidatures de personnes aux profils et aux motivations inadaptées aux exigences du métier. Notons que comme pour la politique de protection de l’enfance en général, l’accueil familial de mineurs au titre de l’aide sociale à l’enfance est aujourd’hui confronté à des idées reçues nombreuses quant aux conditions de son exercice[4] ; il fait l’objet d’une communication soit très négative véhiculée par les médias et les réseaux sociaux, soit plus nuancée – mais moins audible et faisant l’objet d’une certaine méfiance – en provenance des employeurs. Bien que le bouche-à-oreille constitue le mode le plus efficace pour susciter des vocations, il importe de ne pas négliger l’impact des autres modes de communication sur l’émergence et l’expression de vocations nouvelles.
Comme l’ensemble des métiers éducatifs et du care, le métier d’assistant familial est par ailleurs peu attractif du fait du décalage entre l’investissement personnel fondé sur la valeur cardinale de solidarité – qui s’étend à toute la cellule familiale – attendue des professionnels, et leurs conditions d’emploi (niveau de rémunération, modalités de prise de congés, caractère fluctuant du revenu en fonction des accueils réalisés, niveau de risque élevé en lien avec l’exercice de cette profession et mécanismes assurantiels inadaptés…).
S’y ajoute le fait que l’exercice de l’assistant familial est solitaire, puisqu’il exerce à son domicile et que, dans les Départements principalement, l’intégration des assistants familiaux au sein des équipes éducatives peine à se concrétiser pleinement.
Une crise de la vocation qui révèle un malaise plus profond dans le domaine de l’action sociale
Cette difficulté des Départements et associations de protection de l’enfance à recruter des assistants familiaux prend une ampleur toute nouvelle dans le contexte actuel de crise de l’action publique et du social. Les dispositifs de protection de l’enfance sont marqués par une forte tension sur l’offre d’accueil en protection de l’enfance, qui se conjugue avec un désengagement de l’Etat du financement d’une offre médico-sociale et de soins adaptée à l’ampleur des besoins. Cette saturation de l’offre d’accueil doit être resituée dans un contexte de réduction des marges de manœuvre financière des collectivités territoriales, qui implique de trouver des solutions d’accueil soutenables pour mettre en œuvre l’ensemble des décisions administratives et judiciaires de placement des mineurs. Or l’accueil familial reste considéré – à tort – comme moins coûteux que l’accueil en établissements, les modes de gestion des budgets départementaux ne permettant pas de prendre en compte l’ensemble des coûts induits par l’accueil familial pour une comparaison juste avec le placement familial associatif et a fortiori avec l’accueil en établissements[5].
En conséquence, les assistants familiaux se trouvent de plus en plus fréquemment mobilisés pour accueillir, parfois en urgence, des enfants présentant des situations très complexes, sans pour autant bénéficier ni de l’information disponible concernant les besoins de ces enfants, ni d’un appui technique à la hauteur des besoins d’étayage identifiés. Les théoriciens de l’accueil familial mettent en effet en avant l’attention que l’aide sociale à l’enfance doit apporter pour le choix adapté d’une famille, essentiel pour que l’enfant profite de tous les bienfaits liés à son inclusion au sein de la cellule familiale (développement de sa vie affective, acquisition de capital social, préparation à la vie d’adulte…).
Pour finir, il convient de noter que la professionnalisation génère pour le métier d’assistant familial une évolution faite de paradoxes (entre la valorisation de compétences professionnelles indispensables à l’exercice d’un métier reconnu comme éminemment complexe, et la dynamique croissante consistant pour les Départements à faire appel à l’engagement citoyen pour renforcer la capacité d’accueil de mineurs en protection de l’enfance) et de difficultés (notamment le décalage persistant entre les territoires urbains où sont concentrés les besoins et le domicile, souvent en zone périurbaine ou rurale, des assistants familiaux).
En attendant que s’engagent les travaux annoncés par le Secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance[6], visant à repenser les conditions de travail et d’exercice des assistants familiaux, il revient aux employeurs de déployer des modalités innovantes d’appui aux professionnel.le.s en exercice, sous forme notamment :
D’une aide à l’accès au parc de logement social dont le Département est réservataire, afin de favoriser l’accès des assistants familiaux à des logements d’une taille adaptée à l’exercice de leur profession
De la constitution de collectifs de travail afin de rompre l’isolement des professionnels et de faciliter l’exercice au quotidien du métier, par :
Le regroupement dans des lieux d’aide à la pratique comme il existe des RAM pour les assistantes maternelles, du parrainage entre pairs, la mise en place et l’animation de forums entre professionnels
La mutualisation de moyens (véhicules de grande taille, matériel de puériculture, …)
[1] Un assistant familial est agréé pour accueillir entre 1 et 3 enfants ; les assistants familiaux en fin de carrière disposent souvent d’agréments plus étendus que les assistants familiaux débutants, si bien que le seul remplacement après un départ en retraite ne suffit pas pour maintenir la capacité d’accueil globale.
[2] https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/dt_dix_ans_de_transitions_professionnelles.pdf
[3] Loi du 27 juin 2005 relative à la professionnalisation des assistants maternels et des assistants familiaux
[4] Par exemple, concernant la situation familiale des candidat.e.s, ou encore le fait d’avoir ou non des enfants.
[5] Il convient de faire une exception pour l’accueil de tout-petits, dont le coût en accueil familial est effectivement sans commune mesure avec celui d’un accueil en pouponnière.
[6] Ministère des Solidarités et de la santé, Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, p. 27. URL : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_de_presse_-_strategie_nationale_de_prevention_et_protection_de_l_enfance_vf.pdf
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